Rapport Afrique 2010

REGION DES GRANDS LACS D’AFRIQUE

JANVIER - AVRIL, 2010

On peut se plaindre que le taillis de roses a des épines, ou se réjouir que le taillis d’épines a des roses.

Abraham Lincoln

A vous tous et toutes qui avez prié pour nous pendant ces trois mois, qui nous avez supportés financièrement, qui nous avez fait parvenir du chocolat en plein coeur de mission et envoyé votre amour électroniquement, à vous tous et toutes qui croyez en ce que nous tentons d’accomplir, voici, tardivement, un coup d’oeil sur notre dernier voyage.

La Mission # 5 se voulait tout d’abord une mission d’enseignement, et ce volet fut certes réussi! Au cours de février, mars et avril, nous avons offert 4 fois des cours de 5 jours, 2 fois des cours de 3 jours et 6 fois une session d’un jour.

Bien que les statistiques aient leurs limites, sachez que nous avons enseigné à pas moins de 180 participants, surtout des aumôniers de prison, mais aussi des pasteurs, prêtres, enseignants, autorités locales, représentants de la police et de l’armée, groupes de Justice et Paix et divers groupes dirigés par des femmes.

Nous n’avions jamais auparavant eu le privilège de travailler avec une telle diversité d’étudiants et de groupes ethniques. C’était souvent un défi de trouver une zone de confort pour toute une semaine – en étroite proximité les uns des autres dans notre maison louée un peu délabrée – et d’apprendre à s’apprécier les uns les autres malgré la pénurie régulière d’eau et d’électricité.

Le premier jour est rempli d’hésitations : Qui êtes-vous? Pourquoi êtes-vous ici? Puis-je faire confiance à cette personne tout près de moi? Je suis fatiguée, découragée et malade.

Le 5ième jour est un temps d’accolades et de pleurs : Est-ce déjà terminé? Est-ce que j’ai les adresses email de tout le monde? Quand planifionsnous faire un suivi? Je pense que mon oncle connaît le tien. Eileen, astu eu de l’eau chaude pour ta douche ce matin?

On a enseigné à plusieurs reprises ‘L’introduction à la justice réparatrice’ ainsi que le ‘Protocole de médiation Victime-Offenseur’ et avons donné trois sessions extrêmement difficiles sur ‘Le développement durable’ dans une perspective de justice réparatrice. Juste.Équipage est consacré à la formation. Nous ne tentons pas de mettre sur pieds quoi que ce soit sous le nom de Juste.Équipage, mais essayons plutôt de supporter et d’outiller les gens sur place qui sont engagés dans les questions de justice dans leurs communautés.

Voilà la raison pour laquelle il nous semblait essentiel cette année d’aborder la question du développement durable. Comment voir à l’avenir des projets qui ont jailli de notre enseignement? Comment les aumôniers locaux et leurs bénévoles continueront-ils de leur propre chef et avec un sens nouveau de fierté ce qu’ils ont commencé? Le fait que Juste.Équipage n’est pas une agence de financement rend la vie souvent très difficile. La réaction primordiale à la vue d’un ‘blanc’ est le signe de piastre! Nous payons le logement, les repas, les livres et matériel nécessaire pour nos cours. Plusieurs ONGs donnent aussi un montant per diem. En tant que bénévoles, nous partageons humblement notre expérience et ceci ne devrait pas inclure de payer les gens pour leur participation – une telle pratique ne fait qu’encourager la mentalité de dépendance. Nous avons aussi coupé de beaucoup les sommes engagés dans le transport pour venir aux sessions offertes. Ces questions financières soulevèrent des émotions fortes et nous continuerons à prier pour la sagesse dans ce domaine.

Voici quelques unes des joies de la Mission :

  • Le Projet Bugesera sous la direction de Pascal Niyomugabo (il s’agit du projet de reconstruction communautaire entre génocidaires et survivants) continue son progrès remarquable. Six nouvelles maisons ont été complètement terminées et 10 nouvelles ruches commencent à produire du miel de première qualité. Les propriétaires des 28 maisons complètement terminées grâce à la collaboration de Juste.Équipage et Jean Coutu tournent maintenant leur attention vers la construction de 28 toilettes extérieures! Chaque toilette requiert deux feuilles de tôle pour le toit et deux sacs de ciment pour les autres nécessités – environ $75.00 CAD par toilette… Vingt-quatre maisons de brique sont bâties et attendent les fonds nécessaires pour être terminées complètement. Merci pour votre aide dans ce projet qui redonne vie. Merci à Bill et Linda et à beaucoup d’autres.
  • Accompagnées de l’aumônier Fine Furaha, Joan, Donna et moi-même firent la livraison de 75 kgs de farine sosoma pour bébés, sucre, fruits et couvertures pour les femmes avec enfants à la prison de Gisenyi. Chacune a reçu un paquet bien enveloppé et contenant une couverture pour bébé, une paire de sous-vêtement, un vêtement pour bébé et un beau châle de couleur fait à la main. Merci à Susannah et à toute son équipe qui ont pris le temps au cours de l’année de confectionner et d’envoyer ces châles. Merci à l’église baptiste Béthanie, Nancy et Doug, Vaila et tous les autres qui ont contribué à la Grande collecte de sousvêtements et de vêtements. (Du coin de l’oeil j’ai regardé une jeune femme ouvrir furtivement son paquet avant notre départ et un sourire de satisfaction couvrit son visage lorsqu’elle y découvrit une paire de sousvêtement mauve en soie.). Merci à Pierrette pour le matériel éducationnel et à Barb pour les petits savons – c’est avec grande joie que nous en avons fait la distribution.
  • A plusieurs occasions nous avons pu aider Louise et son équipe formidable de femmes dans le repas du jeudi à l’hôpital. Les prisonniers d’abord (typhoïde, tuberculose, Sida) et plusieurs autres patients dans le besoin bénéficient de 75 repas chauds et typiquement africains et aux portions généreuses. Il s’agit pour la majorité de leur seul vrai bon repas de la semaine. Nos visiteurs canadiens Lillian et Luc devinrent rapidement experts à éplucher les patates et à préparer et servir le manioc.
  • La nouvelle aumônerie communautaire de Goma, RD Congo, est débordée de travail. Les femmes exprisonnières et victimes d’assaut sexuel envahissent le petit bureau avec leurs bébés, leurs maladies, leur faim et leur désespoir. Siméon, Corneille, Monique, Eugène et leur équipe sans répit les accueillent et cherchent à soulager leurs besoins spirituels et matériels. J’ai vu de mes yeux le personnel, eux-mêmes bénévoles, vider leurs poches et sacoches à la fin de la journée pour ramasser 500FR (50 cents) et ainsi permettre à une femme d’aller retrouver ses enfants affamés. Ces personnes définissent le vrai sens du don sacrificiel. Sans la grâce de Dieu, à chaque heure, ils ne pourraient continuer. Bravo aux aumôniers de la région du Québec qui supportent cette initiative!
  • L’atelier de couture rattaché au programme de l’aumônerie communautaire de Goma et sous la direction d’Espérance compte maintenant 4 machines à coudre et 13 étudiantes. Que de changements chez ces jeunes femmes au cours de six mois! Elles passent leur journée là sans nourriture, eau, électricité et toilettes. Et pourtant chacune d’entre elles rend grâces à Dieu pour le privilège de faire partie de ce programme. Elles ont trouvé un ‘chez soi’ et sont à créer ensemble une ‘communauté’. Merci à Gleaners Ontario, Eileen et Randy, Mme Fleury, Lise et Michel, les soeurs Denault et autres pour dons de nourriture, machines, matériel, médicaments et sousvêtements.
  • Le G-400 continue d’être un Rêve magnifique (400 détenus de la prison de Gisenyi ont écrit une lettre de demande de pardon pour leurs crimes du génocide à leurs victimes. Le résultat de ces lettres fut le développement d’un Protocole de médiation Victime-Offenseur qui souvent mène à l’intérieur de la prison à une rencontre victime-offenseur). Les aumôniers Fine et Lazare avec trois autres aumôniers sont très impliqués dans le projet qui toutefois a été retardé pendant plusieurs mois suite à des conflits internes. Plusieurs heures d’échanges difficiles ont été consacrées aux différentes factions mais sans parvenir encore à une solution claire. On jurerait qu’il y a une contre-force oppressive à l’endroit de ces efforts pour redonner vie non seulement aux victimes et aux prisonniers mais aussi aux communautés et ultimement à tout le Rwanda. Les défis pratiques sont incroyables. Seize ans après le génocide, comment retrouvez-vous une victime dans la montagne sans adresse postale, sans routes praticables, sans journaux, et sans aucun désir d’être contactée par la personne qui a tué son mari, ses enfants, parents ou frères et soeurs? Où trouver l’argent pour voyager, pour passer la nuit, pour pouvoir offrir un Fanta à la famille de la victime? Comment s’y prendre pour introduire la lettre? Combien de visites seront nécessaires avant qu’elle accepte ou rejette le processus suggéré? Aurat- elle jamais la force de pardonner? Est-ce que l’offenseur dira la vérité? Voudra-t-il répondre à toutes ses questions?
  • Cherchera-t-il vraiment à réparer? Jeff a pris sur vidéo l’histoire extraordinaire d’Anastaisie et de Mr X. Ils se sont réconciliés et vivent en paix. Dans leur cas, les familles de la victime et de l’offenseur n’ont plus à se craindre mutuellement ou à planifier de nouveaux meurtres. Comme le dit Anastaisie : Il ne me reste plus de larmes. J’ai tout pardonné. Nous sommes très reconnaissants aux 3 aumôniers de la région des Prairies qui supportent Fine.
  • Pierre, Philippe et Siméon se sont rendus par avion à Béni, RD Congo pour y rencontrer des représentants de Justice et Paix, y donner un mini-cours en justice réparatrice et y visiter la prison. La région est instable et dangereuse et les conditions à la prison décourageantes, mais il existe un petit groupe engagé à continuer la lutte pour la justice. Au Burundi, l’équipe a pu visiter quatre prisons, partager un message d’espoir et apporter de la nourriture et des savons dans cinq prisons et donner un cours d’une semaine.

Un des moments les plus encourageants de notre voyage est sans doute survenu lors de la première journée de rencontre avec les étudiants à Bujumbura, Burundi. Plusieurs d’entre eux avaient suivi le cours en 2008 et ils s’empressèrent de nous dire ce qu’ils avaient appris de la justice réparatrice et comment dès lors, ils avaient tenté de la mettre en pratique. Voir, deux ans plus tard et dans un des pires endroits au monde, leur engagement envers les victimes, les offenseurs et la communauté, envers l’écoute, la vérité et la réparation est vraiment encourageant et motivant.

Ce voyage nous a accablés à l’extrême et nous nous devons de faire confiance à Dieu qu’il puisse s’en servir malgré notre fragilité humaine. Nous sommes réconfortés par l’espoir que sa parole répandue à travers la Région des grands lacs portera des fruits de paix, un minimum de justice, et, peut-être, apportera un certain soulagement à l’incroyable souffrance de tellement de marginalisés.

Dieu continue à se servir de la Congrégation Notre-Dame dans leur support de Juste.Équipage. Christophe et Jean-Claude : nous n’aurions pas pu réussir sans votre aide sur le terrain. J’ai mentionné certains d’entre vous, mais il y en a tellement d’autres qui ont contribué à cette mission – sachez que c’est apprécié. Nous sommes constamment encouragés par Don, Sharon, Norm et Carol. ‘Our Lady of Victory’ continue à nous accueillir chaleureusement. Merci à Irene, Jacqueline, Gaston, Grand-papa, Garry, John et Frida pour assurer le bon fonctionnement des affaires pendant notre absence. Les magnifiques photos sont de Jeff. Je dédie ce rapport à Pierre qui, alors que tout semblait s’effilocher, n’a pas perdu le nord.

Judith Allard, Directrice générale

  • Pierre Allard
  • Judith Allard
  • Eileen Henderson
  • Philippe Landenne
  • Jeff Denault
  • Donna Chong
  • Joan & John Palardy